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domingo, 12 de noviembre de 2017

PERFIDIE

(En scène: un homme élégant, habillé en complet, cravate ou foulard, mais des lunettes noires, des anneaux dorés, montre en or, bracelet en or, les cheveux gominés… des détails qui choquent. Il met un ordinateur portable et un projecteur de diapositives sur la table, il parle comme un conférencier dans un cours de formation d’entreprise)



La première règle que vous apprenez c'est de ne pas les considérer comme vôtres, mais comme la matière première de votre entreprise.




Il est important de ne pas s'impliquer dans leur vie au-delà de ce qui est nécessaire, c'est simplement une chose à vous, comme le Coca-Cola que vous vendez, et vous devez le traiter comme tel. Si vous êtes impliqué dans leur vie ou dans leurs problèmes, cela peut vous affecter, parce que cette marchandise a des sentiments.




Nous, les maquereaux, créons un mode de vie soutenu grâce à l'esclavage, avec les macro-bordels pour les clients, fermes-usines des poules, qui ne sont que des prisons de luxe pleines de misère, pour les femmes esclaves d'un système nouveau et cruel. Nous les avons transformés en gros distributeurs automatiques





Ce n’est pas une question de sexe mais une question de tête Un bon proxénète ne collecte pas d’argent pour baiser la pute. Il le fait en ayant la bonne réponse pour ce qui concerne une pute: mensonges, promesses, passages à tabac, le viol, la menace perpétuelle sur leur familles dans leurs villages d'origine …





Personne ne se lève un matin et décide d'être une pute, mais nous avons la toile d'araignée parfaitement tissée avec des promesses d'une vie meilleure pour elle-même et sa famille en Europe, les flatteries qu’elle aime écouter et des cadeaux insignifiants que nous présentons comme de grands faveurs et elle nous remercie comme si elles l’étaient. Dès que la mouche touche de ses petits pieds la collante toile d’araignée, il est impossible de s’en aller. et elle reste là, chassée, préparée, la matière première que les accros des putes appellent « viande fraîche ».

Une fois en Europe, on leur dit qu'elles doivent se prostituer. Ce sont des réactions clonées, elles se taisent. Ensuite, elles entrent en état de choc et elles commencent à pleurer, inépuisablement. Parce qu'elles savent qu'il n'y a pas de retour en arrière, quelles ont été attrapées.


Je n'ai jamais pensé que la marchandise que j'ai importée était des gens comme moi. Elles étaient quelque chose d'autre. Elles étaient des putes.  












(À partir d’un article sur le livre « El proxéneta » de Mabel Lozano aux Éditions Alrevés. El País 12.11.17, signé par Manuel Jabois)

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