(En scène: un homme élégant,
habillé en complet, cravate ou foulard, mais des lunettes noires,
des anneaux dorés, montre en or, bracelet en or, les cheveux
gominés… des détails qui choquent. Il met un ordinateur portable et un
projecteur de diapositives sur la table, il parle comme un conférencier dans un
cours de formation d’entreprise)
La première règle
que vous apprenez c'est de ne pas les considérer comme vôtres, mais
comme la matière première de votre entreprise.
Il est important de
ne pas s'impliquer dans leur vie au-delà de ce qui est nécessaire,
c'est simplement une chose à vous, comme le Coca-Cola que vous
vendez, et vous devez le traiter comme tel. Si vous êtes impliqué
dans leur vie ou dans leurs problèmes, cela peut vous affecter,
parce que cette marchandise a des sentiments.
Nous, les
maquereaux, créons un mode de vie soutenu grâce à l'esclavage,
avec les macro-bordels pour les clients, fermes-usines des poules, qui ne sont que des prisons
de luxe pleines de misère, pour les femmes esclaves d'un système
nouveau et cruel. Nous les avons transformés en gros distributeurs
automatiques
Ce n’est pas une
question de sexe mais une question de tête Un bon proxénète ne
collecte pas d’argent pour baiser la pute. Il le fait en ayant la
bonne réponse pour ce qui concerne une pute: mensonges, promesses,
passages à tabac, le viol, la menace perpétuelle sur leur familles
dans leurs villages d'origine …
Personne ne se lève
un matin et décide d'être une pute, mais nous avons la toile
d'araignée parfaitement tissée avec des promesses d'une vie
meilleure pour elle-même et sa famille en Europe, les flatteries
qu’elle aime écouter et des cadeaux insignifiants que nous
présentons comme de grands faveurs et elle nous remercie comme si
elles l’étaient. Dès que la mouche touche de ses petits pieds la
collante toile d’araignée, il est impossible de s’en aller. et
elle reste là, chassée, préparée, la matière première que les
accros des putes appellent « viande fraîche ».
Une fois en Europe,
on leur dit qu'elles doivent se prostituer. Ce sont des réactions
clonées, elles se taisent. Ensuite, elles entrent en état de choc et
elles commencent à pleurer, inépuisablement. Parce qu'elles savent
qu'il n'y a pas de retour en arrière, quelles ont été attrapées.
Je n'ai jamais pensé que la marchandise que j'ai importée était des gens comme moi. Elles
étaient quelque chose d'autre. Elles étaient des putes.
(À partir d’un
article sur le livre « El proxéneta » de Mabel Lozano
aux Éditions Alrevés. El País 12.11.17, signé par Manuel Jabois)
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